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Revue N° 5 - (septembre 2000) pages 46 à 52 |
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Max Jacob en pull-over rouge - 1937 Gouache sur carton - 0,46 x 0,38 m Collection particulière *** 1937 : un texte « fondateur » signé Max Jacob Ce que c'est qu'un « homme nouveau » par Jean-Louis Gautreau Dans les archives, soigneusement constituées par Marguerite Toulouse dès le début de sa rencontre avec Roger, figurait un article de Max Jacob, découpé dans un journal, dont les références n'avaient pas été notées. La date de 1937 était la seule piste qui permettait de retrouver l'origine de cet article. Ce n'est que récemment, en juin 1999, que nous avons retrouvé les précisions qui nous manquaient : l'article a été publié dans Le Républicain Orléanais et du Centre, le jeudi 24 juin 1937. Or ce texte est essentiel à plus d'un titre. C'est en effet le premier article important consacré à la première exposition « personnelle » de Roger Toulouse, et cet article est signé Max Jacob ! 1937 : Roger Toulouse a 19 ans. Cette année sera exceptionnelle pour lui. Nous allons essayer de rappeler rapidement les événements qui ont précédé et suivi cette exposition.
Mai 1936 Retour de Max Jacob à Saint-Benoît-sur-Loire, pour son second séjour. Vers la fin de 1936, Roger Toulouse rend une première visite à Max Jacob, en compagnie d'un ami, élève comme lui, à l'école des Beaux-Arts d'Orléans, Georges Caillé. Sans suite. Samedi 3 avril 1937, 10 heures du matin Inauguration de la XVIe Foire-exposition d'Orléans par MM. Jean Zay, ministre de l'Education Nationale, André Liautey, sous-secrétaire d'Etat à l'Agriculture, et Claude Lewy, maire d'Orléans. L'exposition se tient sur le boulevard de Verdun, (actuel boulevard Alexandre Martin). Simultanément, l'exposition des Artistes Orléanais est organisée dans la partie ouest de la salle des fêtes. Le quotidien Le Républicain Orléanais et du Centre consacre plusieurs articles à l'exposition des Beaux-Arts. Le 6 avril, après avoir évoqué les œuvres de Roger Pierre, professeur de Roger Toulouse à l'école des Beaux-Arts, le journaliste poursuit: « A côté de lui [Roger Pierre], son élève Roger Toulouse accuse, avec les ardeurs de la jeunesse, les libertés que son maître avaient prises. Imitation très sympathique par l'intention, mais qui risque plutôt de souligner le moins bon que le meilleur, et qui affichent (sic) - c'est le mot - un art plus volontaire que spontané. Les têtes modelées du même artiste sont conçues dans un état d'esprit analogue ». Il est probable, compte tenu de la remarque du journaliste, que Roger Toulouse présentait des œuvres néo-cubistes dans le genre enseigné par son maître (« Nature morte aux fruits et à la bouteille », peut-être...) Mardi 8 juin 1937 Max Jacob se trouvait alors à Quimper où le spectacle de réfugiés espagnols le bouleverse. Il envoie une lettre à Roger, datée du mardi 8 juin 1937. Est-ce Roger qui a sollicité un article, ou Max Jacob qui, avec sa générosité habituelle et la conviction d'avoir déniché un talent nouveau, le lui a proposé ? Un manuscrit de trois pages accompagne la lettre : « Voici quelques lignes qui peuvent servir de préface à un catalogue. Arriveront-elles à temps ? S'il est trop tard, tu pourras peut-être les insérer dans un journal. [...]
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ROGER TOULOUSE Ce que c'est qu'un « homme nouveau » ? Un « homme nouveau » ce n'est pas une manière nouvelle, une conception nouvelle de l'art. C'est quelque chose de beaucoup plus rare. Est-ce quelque chose de plus important ?... Quand « l'homme nouveau » est tout jeune, on peut attendre de lui ce qui est... ce qui serait important. On peut tout espérer d'un « homme nouveau » s'il sait se discipliner, afin de tirer de lui-même ce qu'il a de commun avec l'Humanité Générale. Car le Vrai Beau est l'accord avec l'Humanité Générale. Ce qui n'est que nouveau peut amuser mais ce qui est à la fois nouveau et humain est toujours important à l'humanité. Un homme nouveau ne pense, ne sent, ne parle pas comme les autres ; le moindre de ses gestes le révèle, tel j'ai eu l'impression d'un « homme nouveau » quand j'ai rencontré Roger Toulouse. Qu'apportera-t-il ? Je n'en sais rien : il n'en sait pas davantage peut-être. Ce qu'il montre aujourd'hui n'est pas l'exposé d'une théorie complète, et on ne peut pas l'exiger de lui ; mais ces premières œuvres prouvent une large et forte nature, des sensations profondes et qui s'expriment puissamment. Il a déjà cette éminente qualité de n’être pas asservi à la nature, bien qu'il sache la suivre minutieusement quand il le veut. N'être pas asservi à la nature c'est la spiritualité : la spiritualité pour un peintre est le travail conscient ou inconscient qui transforme le vrai. Quand un peintre a ce don de la spiritualité, on peut lui prédire une longue production, sans prétendre soi-même à la prophétie. Quand ce peintre est par surcroît un homme nouveau, que ne peut-on espérer de lui ? Le poète Roger Toulouse a une langue concrète, c'est-à-dire intéressante : sa poésie parle d'objets - le lecteur aime qu'on lui parle d'objets. Hélas ! Il va falloir choisir ! On ne peut être à la fois poète et peintre. La Poésie et la Peinture sont chacune des arts très difficiles et qui, chacune, exigent une vie d'efforts. Là où la destinée le mènera, Roger Toulouse marquera sa place fortement, j'en suis persuadé. Il réussira car il a le don suprême : celui de plaire ». Max Jacob. Jeudi 24 juin 1937 Publication du texte de Max Jacob dans Le Républicain Orléanais et du Centre. Sur le manuscrit original, quelques lignes ont été rayées d'un trait de plume: « Si j'avais l'autorité suffisante pour lui donner des conseils, je lui dirais : «Travaillez votre œil ! N’allez pas dans les écoles ! Réfléchissez aux conditions du Beau Fixe ! N’étudiez pas les maîtres pour les imiter mais pour saisir en eux ce qui est le Palier où toutes les beautés se rencontrent». Si Max Jacob a biffé ce passage avant d'envoyer son texte, c'est peut-être parce qu'il a jugé que ses conseils étaient superflus, ou qu'ils ne devaient pas figurer dans cet article destiné à présenter un jeune peintre. De toute façon, il aura souvent l'occasion de revenir sur ces thèmes dans les entretiens à venir.
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Quelques temps plus tard, dans un autre article, André Valensi, critique d'art à Paris, fait allusion au texte de Max Jacob : « Roger Toulouse expose ses œuvres chez M. Lecomte (librairie) (sic), rue Jeanne d'Arc, Orléans. Hier, R. Toulouse, n’était connu que d'un public restreint ; aujourd'hui, son exposition remporte un grand succès - succès mérité du plus valeureux des artistes orléanais. Cet excellent artiste attire l'attention des amateurs ; le plus critique, le plus contesté, il s'affirme malgré ses feux violents. Paris cherche des « forts» au grand talent. Roger Toulouse fonde avec son cerveau, et ce cerveau doit avoir une place dans notre peinture. Saluons ce bel artiste, car il est doué et courageux ; Max Jacob, ce grand génie qui donna naissance au « cubisme », au « dadaïsme », a trouvé en lui un « homme nouveau » aux grandes qualités, qu'il nous fallait ; poète en plus, il se révèle. Son « Nu aux arabesques » apporte le renouveau et la note surréaliste, sa « Danse dans le caveau », « Le Tricot », etc... œuvres caractérisant l'artiste aux grandes qualités, Roger Toulouse nous montre des dessins spontanés, œuvres qui démolissent la vieille formule. Danse dans le caveau - 1937 Huile sur toile - 0,59 x 0,46 m Collection particulière [.. .] Roger Toulouse nous donne une dure leçon. Création d'un sentiment irréel. Sorcier-magicien... de la peinture ? Non. Un homme de valeur qui s'impose, un artiste qui marquera sa place fortement comme l'a écrit Max Jacob, [...], dans une magnifique préface sur ce puissant artiste. Dimanche 11 juillet 1937 Distribution des prix de l'Ecole Régionale des Beaux-Arts d'Orléans où Roger Toulouse rafle un grand nombre de premiers prix. Exposition de l'Ecole Régionale des Beaux-Arts : Dans Le Républicain Orléanais du 21 juillet, on trouve plusieurs allusions aux œuvres exposées par Roger Toulouse : « Relevons les noms de R. Toulouse, G. Chesneau, Chereau : le premier présentant un lavis d'une colonne dorique, dans lequel rien ne transparaît de sa fantaisie habituelle. [...] Revenons à l'exposition. Dessins précis, bien étudiés, et bien construits, du Cours d'Académie d'après le modèle vivant. Un homme, presque un athlète tirant sur une corde, permet une sérieuse étude d'anatomie, car le jeu des muscles, tendus sous l'effort, a été bien observé par Toulouse, [...]. [...] le cours de modelage, dirigé par M. Charles Million, statuaire. Sur une table sont groupés les modelages les plus variés, depuis les études d'après l'antique, jusqu'aux compositions d'avant-garde, d'une personnalité bien accusée de Toulouse ». Vendredi 5 novembre 1937 Sur les conseils de Max Jacob, Roger Toulouse se rend à Paris pour rencontrer Henri Kahnweiler, célèbre marchand des peintres cubistes. Pablo Picasso est présent. Kahnweiler le met en contact avec Georges Maratier, directeur de la galerie de Beaune (excellente galerie de cette époque), qui l'accepte immédiatement. Jeudi 11 novembre 1937 Gertrude Stein, célèbre écrivain et collectionneuse américaine, vient à Orléans (accompagnée de G. Maratier), et achète la quasi totalité des œuvres disponibles dans l'atelier de Roger. L'aventure commence ...
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Septembre 2000
Editorial lire l'article
Hommages
Hommage à Jean Bouhier, ami fraternel de Roger Toulouse
(Jean Rousselot)
Gaston Diehl, un critique dans la tourmente
(Jean-Jacques Lévêque)
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Etudes de l’œuvre
« Le Port »
(Francis Edeline)
La Machine zoomorphe
(Ilse Garnier)
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Roger Toulouse, peintre sans frontières ?
(Abel Moittié)
Roger Toulouse, l’œuvre extrême
(Pierre Garnier)
Notes complémentaires sur l’utilisation du noir de fumée par Roger Toulouse
(Jean-Louis Gautreau)
Autour du portrait de Guillaume Apollinaire
(Jean-Louis Gautreau)
Anecdotes et éléments biographiques
1937. Un texte fondateur signé Max Jacob : ce que c’est qu’un « homme nouveau »
(Jean-Louis Gautreau)
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Max Jacob est arrêté. Une amitié fidèle au-delà de la mort (2ème partie)
(Jean-Louis Gautreau)
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Document
Juin 1942. Vlaminck publie un article contre Picasso. Un groupe d’artistes réagit
Index
Index des textes des quatre premiers n° de la revue
(Maryvonne Mavroukakis)
Vie de l’association
Don de Marguerite Toulouse au musée des Beaux-Arts d’Orléans (23 avril 1999 - 1ère partie : dessins de Max Jacob et de Roger Toulouse)
Les évènements de l’année
Les œuvres retrouvées
Nos amis ont publié
Les ouvrages disponibles
Composition du bureau Bulletin d’adhésion
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1934 Nature morte aux fruits et à la bouteille huile sur toile - 0,39 x 0,58 m Musée des Beaux-Arts Orléans
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