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2022 - REVUE N° 26

ÉDITORIAL

"Donner du temps
au temps..."

par Abel Moittié,
président de l'association

"Les Amis de Roger Toulouse".

" La vraie nouveauté naît toujours dans le retour aux sources."             Edgar Morin    (né en  1921)

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En septembre 2001, dans mon premier éditorial, je posais les questions de savoir si le contenu de notre revue annuelle donnait sens et portée à l'action des Amis de Roger Toulouse ; si nos anecdotes et témoignages aidaient à mieux connaître et comprendre un homme tout en pudeur et intériorité ; si nos études et analyses donnaient l'envie d'entrer plus avant dans une œuvre d'un abord plutôt difficile. La tentation était forte pour moi d'aller vers la fierté de réponses positives. Oui, l'avenir s'annonçait prometteur ! Oui, la reconnaissance serait le destin naturel de cette création unique ! Oui, son écho élèverait Roger Toulouse au rang d'artiste essentiel du 20e siècle ! Aucun doute : devant nous, la voie était ouverte vers la notoriété.

 

Plus de 25 ans ont passé depuis la naissance de notre association, plus de 25 ans qui ont mis à l'épreuve ces belles perspectives initiales...

 

Pour notre petit cercle de "fidèles" actifs de la première heure, ce furent 25 ans d'un engagement passionné pour la promotion d'une création rare. Un peu intuitivement, nous ressentions alors dans l'inspiration de l'artiste un humanisme authentique et mobilisateur. Depuis, de découvertes en échanges, de réflexions en rêveries, cette dimension s'est avérée, a été documentée et approfondie, au point que nous avons aujourd'hui la conviction que l'œuvre de Roger est universelle autant qu'intemporelle.

 

Pour autant, le bilan de ces deux décennies reste un peu décevant - tout au moins en deçà de nos espoirs primitifs - au regard du rayonnement toujours modeste de l'artiste et de son œuvre. Faut-il pour nous en éprouver des regrets, du dépit ? Non, bien sûr ! Car nous avons fait l'essentiel.

 

Nous avons résisté à la pente naturelle de l'oubli ; conservé vivant et positif le souvenir de Roger Toulouse ; promu l'excellence technique de sa création ; décrit la pertinence de son inspiration visionnaire. Tout ça n'est pas rien, n'est-ce pas ? Alors, non ! Objectivement, mon propos ne nourrit aucune amertume. Il exprime simplement le constat que le travail de valorisation de l'œuvre de notre ami reste d'actualité. En même temps, il s'en remet désormais à la sagesse de l'adage populaire : "il faut laisser le temps faire son œuvre !"

 

Faisons donc cela ! Patientons ! Donnons du temps au temps... mais sans pour cela perdre le nôtre ! Alors, pour nous, que faire de mieux, ou de différent, pour mettre l'œuvre encore plus en lumière aux yeux du plus grand nombre ? Que faire de plus utile aussi, après avoir tant disserté, analysé, interprété dans ces pages annuelles ?

 

Effectuer un retour aux sources, peut-être, en exploitant les archives de l'atelier. Retrouver la trace du jeune artiste là où tout a commencé, au détour des années 30 et 40. Puis suivre son parcours, de correspondances amicales et amoureuses en textes et réflexions critiques au fil de ses expositions, de coupures de presse admiratives en poèmes inspirés à ses amis par l'une ou l'autre de ses peintures...

 

Ne rien oublier du passé ; se remémorer ses moments les plus nourrissants ; relire les belles choses écrites en leurs temps par de belles plumes ; trouver réconfort et confiance dans la mémoire fidèle des archives : c'est le parti-pris de ce numéro, jusqu'aux années 60 ; ce sera celui du numéro suivant,  jusqu'aux années ultimes.

 

A défaut de prédire son avenir, pourquoi se priver de revendiquer le passé renommé de l'œuvre de Roger Toulouse ? Il ferait aujourd'hui le bonheur de bien des artistes !

                                                                 

 

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SOMMAIRE N° 26

Éditorial 

 

Correspondances

​

1. Max Jacob

     - Lettres de Roger Toulouse à Marguerite - La rencontre à Saint-Benoît (1937)

     - Lettres de Max Jacob à Roger Toulouse

     - La dernière fois, texte de Roger Toulouse

 

2. René Guy Cadou

     - Lettres de René Guy Cadou à Roger Toulouse et de Roger Toulouse à René Guy Cadou        

     - Quelques lettres autour du Voyage de décembre 1950.  Poème de René Guy Cadou    Cliquer ici   

 

3. Jean Bouhier

     - Lettres illustrées de Roger Toulouse à Jean Bouhier

 

Textes d'archives

     - Roger Toulouse ou l’espace délivré, par Pierre Garnier (extraits)    Cliquer ici

     - Un peintre de la poésie, Roger Toulouse, par Tristan Maya    Cliquer ici

     - Allocution de M. Claude Silbertin-Blanc - 7 juin 1948

     - Préface pour un poème de Roger Toulouse, par Michel Manoll

 

Texte récent

     - Connexions affectives : de Max Jacob à Roger Toulouse, par Bruno Chauvierre

 

Quelques poèmes sur des œuvres de Roger Toulouse

     Jean Bouhier - Jean Rousselot - René Guy Cadou - Michel Manoll  - Pierre Garnier

     Luc Bérimont - Raymond Leclerc -Tristan Maya  - Colette Suissa - Gilles Fournel - Claude Held   Cliquer ici

 

Quelques articles de presse archivés

     - L’art orléanais, par André Valensi (août 1937)

     - Plaisir de la découverte, par André Salmon (mai 1938)

     - Max Jacob, par René Guy Cadou (février 1940)

     - Vernissage de l'exposition R. Toulouse (La Nouvelle République du Centre Ouest - juin 1948)

     - Chez les amis de la bibliothèque, l’exposition R. Toulouse, par Roger Secrétain (juin 1948)

     - Éléments pour un portrait de Roger Toulouse, par René Guy Cadou (1948)   Cliquer ici

     - Roger Toulouse, grand peintre et grand dessinateur solitaire, par Jean Rousselot (1954)

     - Un maître d'école, "mais de rêve", notes de Jean Cocteau et d'André Salmon (juillet 1962)

     - Sensation de vertige, par Geneviève Costamagna (1962)   Cliquer ici

 

Vie de l’association

     - Les évènements de l'année 2021-2022, par Abel Moittié

     - Index général des illustrations des numéros 21 à 25 (2016 à 2021), par Abel Moittié

     - Les œuvres retrouvées   Cliquer ici

     - Nos amis ont publié

     - Courrier des adhérents et sympathisants

     - Composition du conseil d'administration

     - Bulletin d'adhésion

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_________

 

EXTRAITS

       La dernière fois

 

                                          par Roger Toulouse

 

 

Être aux côtés de Max Jacob alors qu’il n’a plus que quelques jours à vivre, c’est le triste privilège que j’eus en ce mois de février 1944.

 

Si le phénomène de prémonition existe, je puis dire qu’il s’impose intensément à moi en cette journée. Dans la chambre-atelier de Saint-Benoît-sur-Loire, je regardais encore mieux ce visage que je connaissais minutieusement puisque j’avais fait poser le poète de longues heures… près de mon chevalet.

 

Sa tête me semblait encore plus lourde sur des épaules étroites ; son large béret pesait sur l’ogive de son front ridé et une toux sourde agitait tout son corps, faisant soubresauter sa lourde montre qui ne le quittait jamais, telle celle de Filibuth.

 

Dehors, il faisait froid et un maigre feu réchauffait difficilement sa chambre ; Max était là, assis dans un triste fauteuil de presbytère, tenant dans ses doigts courts, aux ongles carrés, la dernière lettre d’un ami prisonnier, de là nous commentions l’avance alliée, la proche défaite allemande et, invariablement, un rictus faisait trembler ses lèvres sinueuses : il pensait à sa  sœur, internée dans les camps nazis.

 

Bien vite, il recherchait ses derniers poèmes de la semaine, et me montrait la difficulté qu’il avait eu à terminer le portrait d’Alfred Jarry qui séchait sur un coin de  table, parmi les pastels, les cigarettes, le cendrier débordant d’allumettes, le livre de messe et une énorme cravate. Comme chaque fois, à nous, ceux de sa jeune garde -  Cadou, Béalu, Manoll, Rousselot - il distribuait ses conseils. Pour mieux nous les faire prendre au sérieux, le lendemain de la visite, nous recevions une longue lettre qui s’ouvrait sur les mêmes thèmes.

 

Pendant tout le repas, ce jour-là, la conversation se fixa sur l’importance de la vie intérieure - plus elle est grande, plus l’œuvre est profonde et universelle ; "il faut savoir travailler avec son ventre et non avec sa tête", et de là nous touchions au cubisme, qui, grâce à l’intensité et à la persuasion de sa recherche donna à la vie la forme que nous lui connaissons maintenant. Mais, Max mettait encore plus l’accent sur le rôle de la réalité : cette enveloppe sans vie qu’est le TOIT de la Maison, le reste doit se passer à l’Intérieur et le Reste est essentiel. Nous achevâmes le repas en comparant le mot choc du poème, au Volume idéal d’une composition peinte : c’est la même chose, disait-il, avec la seule différence que le peintre a de la couleur sur la main, le poète lui, casse des plumes ; et nous riions pour masquer notre inquiétude mutuelle et pour montrer que l’ "Ombrage de la terrasse passe… comme le soleil se refroidit chaque jour !" Puis Max me questionna sur la progression de ma dernière peinture ; il s’intéressait minutieusement à la voie que je suivais, et, avec un sens pictural très grand, il examinait mes projets. Nous regardions ensemble l’apport des poètes et des peintres contemporains, les situant par rapport à la Minute présente. J’entends encore cette parole : "Il faut vivre la Minute présente, hélas ! peu y parviennent, car la comprendre c’est avoir une certaine émotion, pas celle qui animait la Dame de Pique, non ! Celle de la lame de fer". Notre rire reprenait, s’arrêtant seulement devant l’évocation des Tailleurs d’images romans.

 

Max se référait alors à un magnifique livre, cadeau de Fernand Léger. Il écoutait cette leçon de grandeur, la simplicité romane liée à son folklore breton, baignant dans un ciel de Loire. Là était pour lui le but de son travail de peintre et justifiait sa vie près des restes de Saint-Benoît… Mais l’ombre de la rue Ravignan le hantait toujours et, dans son regard, on voyait se refléter Modigliani ou le douanier Rousseau, une anecdote surgissait précisant une attitude de Picasso.

 

Dans l’obscurité, d’un signe de la main, il se mit sur la route du départ. Son visage, plus pâle qu’à l’ordinaire, resta muet, puis la nuit emporta la frêle silhouette de l’auteur du Cornet à dés - et ce fut la grande séparation.

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1943 - Max Jacob et Filibuth.jpg

Max Jacob - Filibuth ou la montre en or - 1922

Couverture illustrée par Max Jacob (autoportrait) et Roger Toulouse

Exemplaire du fonds d'ouvrages précieux de la médiathèque d'Orléans.

 

     Correspondance entre

 

     Roger Toulouse et René Guy Cadou

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      Roger Toulouse ou l'espace délivré (extraits) 

                              par  Pierre Garnier

 

[...] Certains peintres de la jeune génération ont déjà posé les premiers fondements de l'art qui s'élèvera dans une future humanité stable et équilibrée, où le peintre, le poète et le musicien auront retrouvé leur mission véritable, qui est non seulement de récréer l'homme, mais aussi de créer l'humain. C'est parmi ces peintres jeunes, qui déjà ont su affirmer leur personnalité et faire de leur œuvre une réalité, qu'il faut situer Roger Toulouse. [...]

​

           

     Un peintre de la poésie, Roger Toulouse

​

                                              par Tristan Maya

​

Disons tout de suite que si j’ai entrepris de vous parler du peintre ROGER TOULOUSE, c’est que dès le premier regard jeté à ses dessins, j’ai été enthousiasmé, comme on peut l’être par le premier vers d’un poète que l’on aborde pour la première fois. [...]

​

 

​

     Quelques poèmes inspirés

​

par l'œuvre de Roger Toulouse

     Éléments pour un portrait de Roger Toulouse                                                par René Guy Cadou

​

        

         Critiquer, c'est peser. Je ne juge pas, j'aime ou je rejette. Je demande à un livre de poèmes d'être contagieux, c'est-à-dire de me donner l'envie d'écrire. Roger Toulouse est contagieux et, plutôt que de saisir la plume, j'aimerais m'emparer maladroitement d'un pinceau pour l'expliquer.

       

                Je pense à ces forçats de la peinture qui, dans le pandémonium des cavernes, épuisaient au couteau la technique de leur art.

 

                Mais peut-on parler de technique quand il s'agit de cette passion, de ce tumulte à la fois grandiose et malhabile qui pousse la main vers la surface lisse de la journée ?

 

        Tout ce qui s'attache à l'os rend compte. De là, le secret dessin de Toulouse, cette ligne d'âme qui délimite et grandit son objet.

 

        La beauté des arbres tient à l'hiver. Dès la première chute des feuilles, ils s'incarnent, s'appliquant à n'être plus une délicieuse surcharge comme en avril; ils font corps avec le ciel qu'ils supportent et qui leur donne cette géographie lumineuse qui s'imprime comme lys dans l'épaule de la terre.

 

        Peinture abstraite, diront les faibles devant une gouache de Toulouse : c'est s'attacher bien davantage à l'apparence qu'à la présence.

 

         Ce qui fait la force secrète de ce peintre ne tient pas particulièrement à une qualité plastique de sa peinture - encore qu'il faille s'interroger sur le destin poignant de la couleur - mais en ce qu'il est perpétuellement hanté.

 

        Je n'entends point par hantise une figuration rétrospective du passé, ou immédiate du présent, mais une longue promenade dans l'avenir, un appel du pied qui proprement vous transporte, ne laisse plus à l'âme de repos.

 

         Roger Toulouse est une longue patience, un long mal qui n'espère une légère amélioration que dans les siècles à venir. Pour une plaie légère, il se garde, au contraire de certains de ses contemporains, de toute intervention chirurgicale. Il détient le secret des herbes, des baumes , des riches couleurs qu'il fabrique. Et qu'on m'entende bien, il ne s'agit point de récolter entre les tarots et le marc de café, les secrets d'une diseuse de bonne peinture, mais d'inventer, de penser.

 

        Max Jacob, qui le premier sur découvrir Roger Toulouse, m'écrivait : "Refuse-toi à écrire des choses sans importance, c'est la paie de la poésie actuelle... Qu'un poème repose sur une pensée que cette pensée soit aussi éloignée que possible de la poésie ; ainsi tu donneras du poids au poème tout en lui laissant les ailes les plus diaprées." Et en pleine marge, en grosses capitales d'imprimerie : "INVENTE."

 

        Ainsi pour la peinture. Et Toulouse le sait bien qui s'est toujours refusé à reproduire, oui plutôt à produire ce qui ne lui était point dicté par une raison majeure et pour tout dire, en suspension, depuis des siècles, au fond de lui.

 

        A coté de ce monde quotidien, dont nous avons de bonnes raisons de nous méfier, Roger Toulouse, inquiet pour nous, a su se créer, avec l'exigence qui caractérise ce tempérament foncièrement hauturier, un nouveau monde en proie à une impossible genèse, qui le relance douloureusement sur ses claies, qui le rend plus grand que lui-même.

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Les Arts en province (1948)

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       Sensation de vertige

                              par  Geneviève Costamagna

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       Les œuvres retrouvées

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Vente publique. 24.03.2022. Etude SAADE (Dijon) n° 300. Oiseaux mythologiques. 55 x 82 cm.

"Oiseaux et guitare" - 1975 (?)

huile sur isorel - 55 x 82 cm.

signée en bas à droite

non répertoriée au catalogue raisonné

collection particulière (Nantes)

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